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Cécile Marshall, « Keep all the arts away » Frictions intersémiotiques dans le théâtre de Tony Harrison

Résumé : Si la fascination de Tony Harrison pour la photographie est notable dans l’ensemble de ses œuvres, poétiques et filmiques, elle l’est tout particulièrement dans ses œuvres dramatiques où, à plusieurs reprises, elle joue le rôle de catalyseur de la création. Affectionnant les effets de mise en abyme de la représentation, Tony Harrison met en scène la photographie dans Fram (2008), une pièce qui questionne la fonction de l’art face aux tragédies contemporaines. Dans un monde saturé par l’image et en dépit de la position d’Adorno, le théâtre poétique de Tony Harrison a-t-il encore son rôle à jouer ? Dans Fram, on s’interroge sur les stratégies de représentation à adopter pour émouvoir l’opinion publique. La danse et le théâtre, l’art en général, sont opposés à l’utilité de l’action humanitaire. La représentation visuelle, photographique, puis filmique, est plébiscitée par plusieurs protagonistes qui, confondant vérité et réalisme, opposent l’artifice verbal à la neutralité supposée de la photographie documentaire. Malgré les doutes du protagoniste principal quant aux vertus cathartiques du théâtre moderne, Fram, oscillant entre comédie burlesque et tragédie, démontre qu’il est du devoir du poète de témoigner, quelle que soit la violence des images auxquelles le public est confronté, et peut-être a fortiori quand ces images sont insoutenables.
mots-clés : Tony Harrison, tragédie, métatragédie, masque tragique, photographie, Fram, famine russe, Nansen, Sian Thomas, Pavlenski
Référence électronique : Cécile Marshall . « « Keep all the arts away » Frictions intersémiotiques dans le théâtre de Tony Harrison », Revue internationale de Photolittérature n°2 [En ligne], mis en ligne le 15 décembre 2018, consulté le 26 avril 2024. URL : http://phlit.org/press/?articlerevue=keep-all-the-arts-away-frictions-intersemiotiques-dans-le-theatre-de-tony-harrison
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« Keep all the arts away » Frictions intersémiotiques dans le théâtre de Tony Harrison


Introduction


Fram(2008), une pièce de Tony Harrison sur l’échec individuel et collectif, mais paradoxalement porteuse d’espoir en l’avenir, mériterait une attention nouvelle à l’heure où le projet européen semble fragilisé par le Brexit et la crise des migrants. Interpelant les spectateurs du National Theatre sur les enjeux de l’empathie et de la solidarité envers les opprimés à la recherche de conditions de vie meilleures dans un pays étranger, cette pièce tragicomique n’a pas rencontré le succès escompté par son auteur qui fut perçu comme un moraliste davantage que comme un dramaturge politique. Célèbre pour ses œuvres engagées, qu’il s’agisse de ses pièces, de ses films/poèmes[1]ou de ses poèmes, Harrison est une voix certes dérangeante mais admirable de par sa constance, qui ne cesse de donner la parole aux exclus depuis les années soixante-dix, explorant pour cela différents genres et médiums poétiques.


Intitulé d’après le navire de Friedjof Nansen (1861-1930), Framretrace l’épopée de l’explorateur norvégien dans l’Arctique, son engagement dans la Société des Nations et ses efforts pour venir en aide aux victimes de la famine russe de 1922. Aventurier puis diplomate, Nansen n’en est pas moins un héros oublié du 20èmesiècle. Pour tenter d’atteindre le Pôle Nord en 1895-6, avec son compagnon Hjalmar Johansen (1867-1913), ils abandonnèrent le Fram pris par les glaces et partirent avec avec leurs chiens, leur traîneau et leurs kayaks mais furent contraints de s’abriter de l’hiver polaire dans une simple petite hutte pendant six mois. Ils ne durent leur salut qu’à leur sens de l’entraide, avant la rencontre inespérée d’une expédition britannique qui leur permit de rentrer en 1896 en Norvège où ils furent accueillis en héros.


Les personnages réels deviennent protagonistes dans Framoù Harrison établit un parallèle entre la lutte de Nansen et Johansen contre la faim dans l’Arctique et leur solidarité salvatrice d’une part et d’autre part le combat ultérieur du premier en faveur des victimes de la famine, combat dans lequel la photographie fut instrumentalisée à des fins politiques et humanitaires. L’engagement de Nansen sert de repoussoir à la réflexion de l’auteur quant à l’influence de l’art sur les réalités sociales et politiques. Harrison crée également des personnages d’auteur (Gilbert Murray[2]) et d’actrice (Sybil Thorndike[3]) débattant avec des hommes politiques et des humanitaires, faisant par là même la part belle aux références historiques, aux déplacements métatextuels et aux invaginations entre les niveaux narratifs. Il y réaffirme sa conviction que la puissance du verbe peut être un médium de changement politique et social aussi crédible que ne le sont les images visuelles. Pourtant, la scénographie fait la part belle aux media visuels tels que la photographie et la vidéo, tandis que le texte recourt souvent à l’ekphrasis.


Framse présente comme une comédie burlesque, dans l’esprit du théâtre populaire du Leeds des années quarante et cinquante que le poète affectionne tant. C’est un théâtre qui s’adresse directement au public, créant une grande complicité entre spectateurs et comédiens, ce que favorise la scène semi-circulaire du théâtre Laurence Olivier où fut représenté Framlors de sa création. Empruntant au théâtre de music-hall, le quatrième mur s’estompe parfois dans cette pièce qui bouscule les conventions du naturalisme, les rimes et la versification participant au décalage et à la prise de distance. Harrison déploie ses talents d’humoriste[4]avec la création de duos comiques, comme le duo Nansen / Johansen. Si le premier est rêveur, idéaliste, amateur d’art et de poésie et le second pessimiste, porté sur la boisson et philistin décomplexé, malgré leurs incompatibilités de caractère, les deux explorateurs sont ironiquement liés par leurs épreuves communes dans l’Arctique, leur lutte héroïcomique pour la survie constituant le point de rencontre symbolique entre les différentes trames narratives de la pièce, de l’aventure polaire au drame de la Volga jusqu’aux mouvements d’immigration des vingtième et vingt-et-unième siècles[5]. Cette pièce, apparemment composite et éclectique, qui mêle différentes formes artistiques (danse, musique, chant, vers parlés, peinture, dessin, vidéo et surtout photographie) tente de répondre, tant par son discours que par sa mise en scène, aux questions suivantes : quelle est la fonction du théâtre ? Le langage peut-il rivaliser avec les images ? Les moyens de communication modernes ont-ils rendu la poésie, la plus grande forme d’éloquence selon Harrison, inutile[6] ?


Fram et l’esthétique tragique harrisonienne


Pour répondre à ces questions, Fram, caractéristique en cela de l’écriture harrisonienne, mêle didactisme, merveilleux et enchâssements métadramatiques. Ainsi, l’auteur y explique sa conception du théâtre inspirée de la tragédie grecque par l’intermédiaire de son personnage Gilbert Murray :


Now Time’s bestowed a Nansen passport on my ghost


to re-enter life and cross extinction’s border post


to tell you I, like Nansen, a passionate believer


in the principles of peace we worked for in Geneva,


had to witness the League’s failure, and, unlike Nansen, then


lived to hope for better from the newly-named UN.


Nansen died. I lived, and to my profoundest shame


saw the atrocities enacted in Humanity’s soiled name.


To speak of the war’s atrocities is an almost hopeless task


even for this open-eyed and eloquent Greek mask.


I happen to believe that the ancient tragic speech


is the highest form of eloquence a man can hope to reach. (Harrison 2008[7], 10)


Pour Harrison, le théâtre contemporain devrait permettre aux spectateurs de regarder l’histoire et l’actualité en face, si tragique soit-elle, pour, ensemble, envisager un futur commun. Le poète dramaturge y jouerait un rôle de vigie, tenant la conscience du public en éveil. Comme l’auteur l’explique dans l’introduction à The Common Chorus, c’est vers le langage dramatique et la scène, plus nécessaire que jamais, que l’on se tourne dans les moments de crise :


In July [1991] I received from friends in Dubrovnik An Appeal for Peace in Croatia. It was written on the opening night of a play: ‘In these times of deafness in which the world that cries for peace and understanding has become inaudible, our company is playing Hekubaby Marin Džić – the tragedy of a mother at the end of an absurd war.’ Hecuba is once more committing herself to later mortals, aware of their imminent mortality. (Harrison 2002, 198)


Harrison propose de revenir à la source du théâtre, la tragédie grecque, non dans un esprit de nostalgie, mais au contraire pour se tourner vers l’avenir, un avenir mis entre les mains des spectateurs, littéralement ceux qui voient et entendent, cette génération montante (« later mortals ») à qui une Hécube brisée confie la responsabilité de la mémoire. Dans Fram, Gilbert Murray évoque, en rimes suivies, ce que Harrison n’a cessé d’écrire dans nombre de ses introductions, dans ses discours et interviews[8], et de mettre en œuvre dans ses pièces et ses films/poèmes souvent décrits comme des « méta-tragédies »[9] : « The tragic mask for me has come to symbolize / the art of facing horror with always-open eyes. / No eyelids on a tragic mask. It has no choice but see / and its mouth is always open to utter poetry » (Fram45). Pour démontrer la force d’évocation du langage, dans Fram,Harrison met en concurrence les arts visuels et la poésie. Pourtant, ironiquement, les velléités d’influence sociopolitique de la création esthétique y sont souvent ridiculisées. Ainsi, tandis que le personnage de Murray répète sa foi inébranlable dans le pouvoir des mots, le personnage de Nansen méprise le monde réel et se réfugie dans l’art, ne devant sa survie qu’au bon sens de son compagnon :


When we have to use our kayaks when it’s too wet to walk


you’ll be glad I used your crayons to make the kayak caulk.


Patched with pastels I pounded to make a pitchy glue


instead of pretty pictures of  Auroras that you drew.


If I hadn’t done it then the kayaks would’ve sunk


and you’d never get a chance to compete with Edvard Munch. (Fram29)


Le protagoniste prône un art élitiste, coupé des réalités sociales. Caricature de l’artiste enfermé dans sa tour d’ivoire, il incarne le contre-exemple de la tradition bardique évoquée dans une tonalité burlesque par Johansen : « In this double bear-fur bag with its blubber smells and farts / I had my reluctant schooling in the skaldic arts » (27), le « skald » ou « scald » étant en Scandinavie le chantre des héros et de leurs exploits, assurant comme le barde une fonction sociale de transmission du passé et de la mémoire collective. Dans Fram, l’Américain Sheldon, responsable de l’ARA (American Relief Administration) en Russie, qualifie la tragédie grecque de « ancient tragic shit » (41). Il oppose l’inutilité supposée de l’art (théâtre ou danse) au pragmatisme de l’action humanitaire et au vérisme de la photographie, ainsi que du film documentaire :


She danced ‘the Russian Famine’. What arrogance


for this podgy passé prancer to do a ‘Famine’ dance.


[…]


Rolls of blubber round the belly somehow don’t symbolise


starvation on the Volga, not to mention chubby thighs!


I thought, for Christ’s sake, keep all the arts away


from the kind of work we try to do in the ARA,


especially preserve us from the art of the ballet. (39)


Pour Sheldon, le théâtre et la danse appartiennent au passé ; et ces formes esthétiques ne méritent même pas une considération sérieuse dans le débat qui les occupe. Seule la mimesis des arts de l’image semble trouver grâce à ses yeux : le médium photographique représenterait le moyen d’apporter une preuve irréfutable du réel, et à plus forte raison le film, décrit comme « A wonderful new weapon in our armoury of persuasion » (50). La vision de Sheldon est caractéristique de ce que François Brunet appelle « l’idée de photographie », c’est-à-dire le refus de tout caractère artistique à l’image photographique au profit d’une fonction persuasive.[10]D’autres protagonistes se chargeront de démontrer que le réalisme photographique est, tout comme le réalisme littéraire, un effet de représentation, un artifice esthétique ; prouvant ainsi que la photographie est, en somme, bien plus qu’un simple facsimilé du réel.


Même si le protagoniste Nansen déplore dans Framla réduction de l’information visuelle de la photographie noir et blanc par rapport aux subtiles nuances de couleurs des dessins aux pastels, le diplomate Nansen choisit toutefois la puissance évocatrice de la photographie pour sa campagne en faveur des victimes de la famine russe et ces images effrayantes d’enfants squelettiques, de cadavres alignés, d’actes de cannibalisme[11]sont montrées dans la piècegrâce à la mise en scène des diaporamas de l’explorateur. Cette série d’images difficilement soutenables constitue le pendant tragique du diaporama héroïcomique présenté au début de la pièce, avec des photographies de l’expédition polaire. Les similitudes scénographiques et textuelles soulignent d’autant mieux le changement de ton. Devant des images choquantes, on a toujours la possibilité de fermer les yeux, de détourner le regard, ou lorsque la violence est télévisuelle, de changer de chaîne comme le rappelle la persona du film/poème The Gaze of the Gorgon :


Schumann set those words I wrote


that might bring lumps into your throat


(unless you grabbed for the remote!).


And if you turned away


you could still hear the liederplay. (Harrison 1995, 35)


Pour contrer ce risque, chacune des trois premières diapositives est précédée par une même tirade en forme d’avertissement, répétée sur scène par Nansen ; seul le nom de la ville change pour symboliser les différentes étapes de sa tournée de promotion à Londres, Newcastle puis Aberdeen :


I came to London 25 years ago.


The slides I showed you then were of the Arctic snow.


Those years ago I told you that the most uplifting sights


that I had ever witnessed were the Polar Northern Lights.


Now, I fear, it’s my duty to put up on this screen


the most horrific pictures I believe you’ve ever seen.


And I should in fairness warn you that every lantern slide


I’m going to show you will make you horrified.


I who painted the Aurora and its shimmering swathes of light


now must show you Russian horrors in bleaker black and white.


Once again the landscape is endless ice and snow


but Famine stalks the Volga laying millions low.


like the poor unfortunates I am about to show. (Fram 68)


Après les trois premières diapositives, une série terrifiante défile simultanément sur trois écrans. La dernière image, sur laquelle s’interrompt le diaporama, représente deux cadavres dénudés, de sorte que, sur scène, on voit six cadavres au total. Les trois écrans du dispositif scénographique, de par la multiplication visuelle qu’ils engendrent, semblent évoquer la reproductibilité des images techniques.Mais ils donnent aussi à ces corps photographiés une valeur d’icône, formant ironiquement un triptyque de martyrs anonymes, cadavres de lumière à qui seul le théâtre peut rendre hommage. L’image photographique se mut pourtant en une frontière générique invisible qui emprisonne : « They’ll stay behind the borders of the screen or slide  / yearning for a passport to the warmer world outside » (71). Le dispositif scénographique souligne l’ambiguïté entre esthétique de l’image et enregistrement d’une réalité crue, une tension signalée par l’humour noir de Johansen dans la citation ci-dessus. Tandis que la photographie instaure traditionnellement un rapport d’absence avec le sujet photographié, la conjonction de la mise en scène de l’image photographique et du discours dramatique transcende cette absence pour créer l’illusion d’une présence assez troublante pour les spectateurs. Il existe ainsi un décalage entre le discours de la pièce qui affirme la supériorité du langage sur l’image visuelle et la mise en scène qui fait, elle, une large part à la photographie.


Mise en scène de la photographie


Même si Framparvient à faire la preuve du pouvoir des mots, notamment avec la scène saisissante interprétée par le personnage de Sybil Thorndike (Sian Thomas) dans le rôle d’une victime de la famine[12], Harrison ne se prive pas d’expérimenter les possibilités d’une hybridation du théâtre avec d’autres formes esthétiques. Aussi, les images visuelles sont-elles omniprésentes dans Fram: vitrail, photographies d’archives, dessins, affiches et tableaux, film documentaire, animation vidéo ; visibles sur scène comme décors scéniques, objets du regard, ou bien convoqués dans le discours des protagonistes. La fascination de Harrison pour l’image se voit d’emblée dans cette œuvre protéiforme : le poster de la pièce du National Theatre et la couverture de l’édition Faber & Faber sont tous deux composés d’une illustration de Michael Mayhew[13]créée à partir d’une photographie du navire Fram, prise par l’explorateur Nansen[14]puis retouchée numériquement. Ainsi, au seuil de la pièce, la représentation est déjà mise en abyme. Il en va de même pour l’ensemble de Fram, construit comme un empilement de représentations successives : la pièce de Harrison, celle (intradiégétique) de Gilbert Murray qui, elle-même contient un spectacle chorégraphié enchâssé et un personnage d’actrice qui se met à interpréter un nouveau rôle. Tandis que le théâtre est le sujet de la discussion (métathéâtrale) du prologue, la pièce dans la pièce débute par la projection photographique (diaporama présenté par le personnage de Nansen qui offre au public les images d’archive et qui sert de support à son récit  de l’exploration. La première image présentée dans ce diaporama est un poster de Farthest North, le récit littéraire de Nansen racontant l’expédition Fram[15]. L’image vue par les spectateurs de Framest en fait une image kaléidoscopique : un rappel visuel du poster de la production du National Theatre ; c’est aussi c’est une re-présentation visuelle d’un texte littéraire, lui-même représentation littéraire d’une exploration dans le grand Nord. En outre, cette image polysémique ouvre un espace pour le récit dramatique enchâssé (la pièce intradégiétique présentée comme l’œuvre du personnage Murray) : sur scène, Nansen, à Londres en 1892, dévoile ses projets d’expédition à la Société Royale de Géographie. Or, cette image n’a pas fini de se démultiplier ; ou plutôt, elle semble se diffracter sous les yeux des spectateurs, telle la lumière à travers l’appareil de projection : en effet, l’image suivante est une photographie du Fram prise par Nansen en noir et blanc, image originale à partir de laquelle ont été créées à la fois le poster de Farthest North, celui du National Theatre et la couverture de l’édition Faber & Faber. On assiste donc aux métamorphoses de l’image photographique qui se retrouve au centre du dispositif dramatique. Elle s’affiche comme un symbole de modernité ambivalent. « [E]space d’échange » et d’« interaction » (Philippe Ortel, « Trois dispositifs photo-littéraires : l’exemple symboliste », in Montier 18) entre l’explorateur Nansen, Nansen le personnage et les spectateurs, la photographie est également un objet paradoxalement déshumanisant : la multiplication d’une même image sur scène, projetée sur trois écrans simultanément pour symboliser les conférences successives de la tournée de promotion de Nansen, fait apparaître la photographie comme un « objet industriel et reproductible » (Philippe Ortel, « Avant-Propos », in Montier 11) à l’infini, un objet de consommation, une image standardisée, à l’instar du récit de Nansen qui se répète à l’identique, mécaniquement.


Deux types d’images photographiques émergent : l’image référentielle (documentaire), et l’image symbolique (poétique). Les images référentielles servent de support au récit de l’exploration polaire ; simples illustrations plaquées sur le discours langagier, elles ne sont pas sans rappeler le type d’images dénoncé par Harrison :


My hesitations about the creative co-existence of poetry and film were deepened when my first book of poems The Loiners won the Geoffrey Faber Memorial Prize in 1972 and because of that was given some minutes on a TV arts programme. I read some poems on camera and someone went out and shot some images to go with the reading that were so clumsily and klunkily cut into the text that I had to switch the programme off. It was as if the ‘director’ had only read the nouns in the poems and decided that we wouldn’t understand them without a show-and-tell picture. (Harrison 2007a,xi)


Ce genre d’images n’entretient pas un rapport esthétique fécond avec le langage poétique. En revanche, la photographie du phonogramme de Nansen posé sur la banquise évoque la musique de Grieg et la voix de la voix de son interprète, Eva Nansen, symbolisant l’art en général : « all art, all music, indeed anything refined » (17). La photographie progresse d’un statut d’objet vers une inclusion dans la structure dramatique qui atteint son paroxysme lorsque la photographie transgresse les barrières génériques. Le public de Framse retrouve alors spectateur de deux régimes discursifs, théâtral et photographique, mis en concurrence. Tandis que Nansen le personnage continue le récit de ses exploits, la photographie de Johansen se met à parler pour véhiculer un discours en dissonance avec celui de son compagnon. Agacé, Nansen tente brusquement de changer d’image : des chiens de traîneaux apparaissent alors sur les écrans de gauche et de droite mais la photographie de Johansen demeure sur celui du milieu, refusant de quitter la scène. Un rapport de force s’instaure entre Nansen le personnage sur scène et la photographie parlante : Nansen s’énerve et fait disparaître les photographies de Johansen et des chiens pour les remplacer par celle du drapeau norvégien flottant sur la banquise, symbole de pouvoir et de conquête. Cette subversion intermédiale montre, sous forme comique et antiréaliste, qu’une photographie peut produire différents discours, qu’elle n’est pas nécessairement une image neutre du réel, comme s’en rendront compte plus tard les personnages de la pièce. En effet, si « [l]a photographie est silencieuse[.] La photographie ne peut rien narrer » (Nancy Pedri, « Le Silence photographique, un geste provocateur », in Montier 391), elle est nécessairement présentée dans un dispositif qui oriente l’interprétation du spectateur. Dans Fram, elle se rebelle pour faire émerger le refoulé, l’autre partie du récit, tue par Nansen : « The pictorial image thus appears as the return of the repressed of the “poetic” text » (Louvel 43).


Ce sont ces frictions intermédiales qui donnent à Framtoute sa puissance, en particulier dans la deuxième partie qui bascule dans le tragique. Le dispositif scénographique est le même qu’au début : Nansen, devant les trois écrans, en tournée au Royaume Uni, projetant des photographies ; sauf qu’il ne s’agit plus de l’expédition Fram mais de la famine russe. Pour permettre aux spectateurs d’affronter des images choquantes, le langage sert de médiateur entre les spectateurs et les images. Tandis que dans la tragédie antique, le messager raconte ce qu’il n’est possible de représenter sur scène, dans Fram, l’horreur est montrée grâce aux photographies d’archives qui défilent sur les trois écrans. Après cette première mise en rythme de l’image photographique, cette dernière se mue en image filmique : sur les trois écrans, les cadavres en noir et blanc s’assoient brusquement puis se mettent à hurler. Le bruit, qui résonne et s’amplifie, explicitement identifié à la célèbre toile de Munch et aux cris tragiques, est autrement plus dérangeant que la voix héroïcomique du Johansen du début de la pièce. Ironiquement, ce n’est pas la tragédie qui imite la vie, mais l’histoire du 20èmesiècle qui apparaît comme une tragédie bien réelle. Lorsque Johansen entre en scène, il découvre sur les écrans les cadavres de nouveau figés. Mettant en doute l’authenticité de ces photos qu’il prend pour un tableau vivant, il enjoint aux acteurs de se lever mais, face à leur immobilité, il en conclut qu’il s’agit bel et bien de photographies documentaires : « So you see, they’re genuinely dead and nothing’s fake » (72). Là n’est pourtant pas le problème : « If they’re real or just pretend / isn’t probably important in the end » (72). Ce qui compte, c’est le pouvoir de la représentation dramatique sur l’imagination des spectateurs : « I’ll leave these to immigrate into your imagination / and escape the confines of photographed starvation » (72). Cette tirade n’est pas sans rappeler celle de Lysistrata dans The Common Chorus(1992) :


Since 1945 past and present are the same.


And it doesn’t matter if it’s ‘real’ or a play –


Imagination and reality both go the same way.


So don’t say it’s just a bunch of ancient Greeks.


It’s their tears that will be flowing down your cheeks.


So where we are, Greenham, ancient Greece,


doesn’t matter. Their fate depends on Peace (Harrison 2002,243)


Dans The Common Chorus, Harrison transposait la comédie d’Aristophane, Lysistrata, et la tragédie d’Euripide, Les Troyennes, à Greenham Common, lieu d’une protestation pacifiste anti-nucléaire menée par des femmes au milieu des années quatre-vingts. C’est dans un tel contexte de menace nucléaire que l’éphémère du théâtre prend tout son sens pour Harrison : « Theatre can only celebrate its presented moments by embracing its own ephemerality. In that is the glory of performance. Theatre has to be given and received at the moment of delivery » (Harrison 2002, 187-8). Face à la fragilité des vies humaines représentées dans Fram, à travers les photographies ou le jeu des acteurs, le théâtre célèbre l’instinct de vie.


Alors que la photographie (tout comme le film d’ailleurs) fige un instant qui appartient irrémédiablement au passé (le « ça-a-été » barthésien), la représentation théâtrale se vit au moment présent, un présent sans cesse réactualisé à chaque nouvelle représentation. Ainsi, le passé distant de la famine de 1922 acquiert une intensité nouvelle grâce à l’incorporation des photographies de victimes dans le dispositif scénographique, tandis que le langage dramatique permet de redonner vie à leur souffrance dans l’imagination des spectateurs et métamorphose les individus photographiés en protagonistes tragiques, confiés au public contemporain. Framinterroge les stratégies de représentation à adopter pour émouvoir l’opinion publique, c’est-à-dire pour sortir du cadre de la représentation esthétique et tenter d’avoir un impact sur la praxis. Non sans une certaine autodérision de la part de Harrison, la danse et le théâtre, l’art en général, y sont opposés à l’utilité et l’efficacité de l’action humanitaire. La représentation visuelle, photographique, puis filmique, est plébiscitée par plusieurs protagonistes qui, confondant vérité et réalisme, opposent l’artifice verbal à la neutralité supposée de la photographie documentaire. C’est oublier que la photographie est déjà re-présentation : « [Its] apparent immediacy is but a fallacious trick dissimulating an opaque and arbitrary mechanism, that of representation » (Louvel 27). Tout comme le médium cinématographique émergeant alors, la photographie a une rhétorique qui lui est propre. Harrison admire les possibilités offertes par l’image dont il joue librement dans la pièce mais rappelle, par la voix de son alter ego dramatique Murray que le langage reste nécessaire : « Reliance on devices like the photograph and slide / will lead, I rather fear, to linguistic suicide » (55) car il reste hanté par l’impact potentiellement dévastateur de l’image, depuis qu’à l’âge de huit ans il fut confronté à l’horreur des camps de concentration sur l’écran du cinéma de son quartier : « there was something overwhelming in seeing such terrible images on a large screen, much bigger than life size […] It almost blighted my life. » (Harrison 2007a, ix-x)[16]. Quelle que soit la violence des images, et peut-être a fortiori quand les images sont insoutenables, en dépit de l’affirmation d’Adorno, la poésie continue d’avoir un rôle à jouer, y compris aujourd’hui dans un contexte de nouvelles technologies et d’hypermédiatisation. D’où le recours à un nouveau dispositif sémiotique à la fin de la pièce pour évoquer les migrants africains morts gelés dans le train d’atterrissage d’un avion : aucune image n’est montrée sur scène, en réaction à une sensation de saturation visuelle dans les media contemporains. En revanche, la description verbale de ce drame s’appuie sur une ekphrasis poignante de par la conflagration entre beauté du tableau décrit et la métaphore de l’horreur: « So many would-be immigrants fall plunging out of planes. / Imagine such migrants falling onto Regent Street / Like the raining men in bowlers in that painting of Magritte. » (Fram87)


Vers une symbiose créatrice entre langage et photographie


La question de la saturation de l’espace médiatique par l’image visuelle était déjà au cœur des préoccupations de Harrison en 1991, pendant la Guerre du Golfe, lorsque la photographie de Kenneth Jarecke, publiée quelques jours plus tôt dans The Observer, représentant un soldat iraquien calciné dans son char d’assaut, le poussa à écrire « A Cold Coming » :


I saw the charred Iraqi lean


towards me from bomb-blasted screen,


 


his windscreen wiper like a pen


ready to write down thoughts for men,


 


his windscreen wiper like a quill


he’s reaching for to make his will.


 


I saw the charred Iraqi lean


like someone made of Plasticine


 


as though he’d stopped to ask the way


and this is what I heard him say:


 


‘Don’t be afraid I’ve picked on you


for this exclusive interview.


 


Isn’t it your sort of poet’s task


to find words for this frightening mask?


 


If that gadget that you’ve got records


words from such scorched vocal chords,


 


press RECORD before some dog


devours me mid-monologue.’


 


So I held the shaking microphone


closer to the crumbling bone: (Harrison 2007b,313)


 


L’anaphore « I saw the charred Iraqi lean » fait directement référence à la photographie de The Observer. Le poète voit cette image comme un « masque » tragique qu’il est de son devoir de faire parler. Il s’est fait une spécialité de réagir à l’actualité[17], et la photographie est souvent un catalyseur pour le développement d’images verbales dans sa poésie. Ainsi, dans les années quatre-vingts, alors qu’il avait traduit avec beaucoup de succès l’Orestied’Eschyle jouée au National Theatre (The Oresteia, 1981), c’est une photographie qui donna à Harrison l’idée de transposer la Lysistratad’Aristophane à Greeham Common : « In that spectacular photograph of Greeham women dancing hand in hand in a circle on top of a missile silo I like to imagine both Lysistrata and Hecuba » (Harrison 2002, 194)[18]. Ce sont encore des photographies de presse, patiemment découpées et collées dans les épais carnets de Tony Harrison qui sont à l’origine de Hecuba (2005), pièce créée au National Theatre à Londres avant d’être jouée à Washington :


In my notebooks, where I glue pictures among the drafts of translations from the Greek tragedies I’ve done, I have a recurring image of an old woman appealing to the camera that has captured her agony or the heavens that ignore it, in front of the utter devastation that had been her home, or before her murdered dead. They are all different women from many places on earth with the same gesture of disbelief, despair and denunciation. They are in Sarajevo, Kosovo, Grozny, Gaza, Ramallah, Tbilisi, Baghdad, Falluja: women in robes and men in hard metal helmets, as in the Trojan War. Under them all, over the years, I have scribbled Hecuba. My notebooks are bursting with Hecubas. Hecuba walks out of Euripides from two thousand five hundred years ago straight onto our daily front pages and into our nightly newscasts. She is never out of the news. To our shame she is news that stays news. (Hecuba viii-ix)


 


Harrison fait en effet grand usage de la photographie référentielle comme support et embrayeur de l’imaginaire, y compris dans ses poèmes. Si Fram« trouve des mots pour ce masque effrayant » que sont les victimes de la famine russe photographiées par Nansen, le poète a conscience que la tragédie n’est pas la panacée : « Maybe all my belief in tragedy’s an academic sham”, admet le protagoniste Murray (76), tandis que Sheldon déclare : « Once you’ve seen the famine you wonder about art » (41), pour une fois peut-être plus proche de la pensée de l’auteur qu’il n’y paraît. Certes, ni la tragédie ni la Société des Nations n’ont empêché la 2ndeguerre mondiale, tout comme ni la tragédie d’Euripide ni la comédie d’Aristophane n’avaient évité les guerres du Péloponnèse. « This pen is all I have of magic wand », reconnaissait humblement la persona du poème V., vingt ans plus tôt, ce qui n’empêche pas le barde de continuer inlassablement à intervenir : « A poet’s rage has as much place in his poetry as the ‘emotion recollected in tranquillity’. We would all like to concentrate on moments of beauty in our lives and poems [.] The same tension between delight and horror, between blossoms and dangerous political bullshit, that Brecht talks about must exist in us all. » (Harrison 2017, 463-464). La poésie, avec son rythme, ses rimes et sa prosodie, incarne la pulsation cardiaque, la vie qui continue tout en refusant d’oublier. On peut voir dans le montage des photographies de cadavres, mises en rythme à l’écran, une poétisation de l’image, qui transcende la mort qu’elle montre, et qui donne à voir la pulsation de l’œuvre d’art, promesse de consolation et de catharsis.


Conclusion


En dépit du message de Fram, mais conformément à ses choix esthétiques, l’ensemble de la poésie de Harrison révèle une fascination pour l’image, en particulier cinématographique et photographique. Dans une œuvre protéiforme, mêlant poèmes, pièces de théâtre, films/poèmes et livrets d’opéra, la photographie occupe une place singulière. Bien souvent, elle est à l’origine même des œuvres. La photographie de presse, en particulier, joue un rôle majeur dans la créativité de l’auteur. Ayant à cœur de faire la preuve que la poésie est porteuse d’une parole essentielle dans le monde contemporain, Harrison a toujours été très attaché, par ailleurs, à la dimension esthétique des couvertures de ses publications. Pour que sa parole interpelle, il a privilégié les photographies, de préférence en grand format, donnant l’image d’une poésie en prise avec son époque et avec l’actualité. C’est le cas de la photographie crue et saisissante de Kenneth Jarecke, reproduite en couverture du petit fascicule A Cold Coming[19]. C’est également le cas avec Hecuba[20]dont la couverture est occupée en totalité par une photographie de presse noir et blanc intitulée « A woman held at Abu Ghraib prison » (AP/Wide World Press)[21]. L’« obstination » de Harrison « à mêler deux systèmes sémiotiques hétérogènes »[22]est centrale dans le dispositif dramatique de Framqui se donne à voir comme une œuvre « hybride », « qui emprunte à l’autre art ses techniques » (Louvel 18). L’ensemble de l’œuvre harrisonienne, d’ailleurs, emprunte aux autres arts leurs techniques, ce qui, selon le terme de Liliane Louvel, fait de Harrison un grand « pilleur » (Louvel 18). Mais cela, le poète l’avait déjà revendiqué depuis longtemps (effet d’ironie dramatique ?) dans sa préface à The Prince’s Play(1995), intitulée non sans humour « Harrison, fanatic pillager » ![23]


Cécile Marshall, Université Bordeaux-Montaigne, Climas




Bibliographie


Barthes, Roland. La chambre claire. Note sur la photographie. Cahiers du cinéma. Paris : Gallimard Seuil, 1980.


Blavignat, Yohan. « L’artiste contestataire russe Piotr Pavlenski a obtenu l’asile politique en France ». In Le Figaro, 4 mai 2017, http://www.lefigaro.fr/culture/2017/05/04/03004-20170504ARTFIG00226-l-artiste-contestataire-russe-piotr-pavlenski-a-obtenu-l-asile-en-france.php(dernière consultation 5 mai 2017).


Brunet, François. La Naissance de l’idée de photographie. Paris : Presses Universitaires de France, 2015.


Harrison, Tony. A Cold Coming.Newcastle upon Tyne: Bloodaxe Books, 1991.


Harrison, Tony. Collected Film Poetry. London: Faber and Faber, 2007a.


Harrison, Tony. Collected Poems. London: Penguin Viking, 2007b.


Harrison, Tony. Fram. London: Faber and Faber, 2008.


Harrison, Tony. Hecuba. London: Faber and Faber, 2005.


Harrison, Tony. Playsvol.4. London, Faber and Faber, 2002.


Harrison, Tony. The Inky Digit of Defiance. Selected Prose 1966-2016.London: Faber and Faber, 2017.


Harrison, Tony. The Shadow of Hiroshima and other film/poems. London: Faber and Faber, 1995.


Jorgens, Jack J. Shakespeare on Film. Bloomington: Indiana University Press, 1977.


Louvel, Liliane. Poetics of the Iconotext. Farnham: Ashgate Publishing, 2011.


Montier, Jean-Pierre, Louvel, Liliane, Méaux, Danièle, Ortel, Philippe (eds.).Littérature et photographie. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2008.


Nansen, Fridtjof. Farthest North. Being the Record of a Voyage of Exploration of the Ship Fram 1893-96. Volume 1. Londres : George Newnes Ltd, 1898.




[1]Films/poèmes : nom dont Tony Harrison qualifie ses œuvres cinématographiques ou télévisuelles dans lesquelles la poésie en vers, la musique et les images visuelles sont conçues comme un tout organique dès la conception du projet.


[2]Gilbert Murray (1866-1957) : classiciste, traducteur en vers d’Euripide et grand admirateur de Nansen


[3]Dans Fram, le personnage de Sybil Thorndike, inspiré de la célèbre actrice (1882-1976), réveille le personnage de Gilbert Murray pour proposer au public la pièce qu’il vient d’écrire sur la vie et l’action de Nansen et dans laquelle elle espère obtenir un grand rôle.


[4]Dans les années soixante, à Leeds, Tony Harrison écrivit de nombreux spectacles comiques dont il était souvent lui-même acteur avec son fidèle comparse d’alors, Bob Crowley, qui lui voue toujours une amitié fidèle et sincère.


[5]L’actualité que la pièce donne à entendre aux spectateurs du National Theatre en 2008 est en effet le drame de deux jeunes migrants africains morts de froid dans le train d’atterrissage d’un long-courrier, leurs rêves d’une vie meilleure anéantis en altitude, à mi-chemin entre deux continents. C’est également l’oppression du peuple kurde représentée par un poète automutilé, bouche, oreilles et yeux cousus. En outre, la relecture de Framen 2018 évoque sa propre actualité, comme les naufrages de migrants en Méditerranée ou le geste de Piotr Pavlenski, artiste russe désormais protégé par l’asile politique en France qui s’était cousu les lèvres en 2012 pour dénoncer l’oppression du régime de Vladimir Poutine.


[6]Tony Harrison avait déjà tenté de répondre à cette question dans le poème « A Cold Coming », réponse à une photographie de presse sous forme d’un poème publié dans The Guardianle 18 mars 1991.


[7]Ci-dessous désigné comme Fram.


[8]Une sélection de ces textes, les seuls en prose que Tony Harrison s’autorise à écrire sont désormais réunis dans Selected Prose.


[9]Jack J. Jorgens propose le terme de méta-tragédie pour décrire des tentatives de tragédies modernes qui sont à la fois des méditations sur la signification des tragédies classiques sur lesquelles ces films s’appuient et qui  questionnent la relation entre l’œuvre originelle et l’œuvre nouvelle. Voir aussi: Cécile Marshall, « Métatragédie, musique et munitions dans Prometheusde Tony Harrison (1998) », Créatures et créateurs de Prométhée : Sources et migrations d’un mythe dans les arts et la littérature. Nancy : Presses Universitaires de Nancy, 2010, 335-350.


[10]Cf. François Brunet, La Naissance de l’idée de photographie, Paris : Presses Universitaires de France, 2015


[11]  Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Fridtjof_Nansen,_Les_deux_%C3%A9tapes_de_la_faim_(1922).jpg


[12]Même détachée de la pièce, cette scène donne immanquablement la chair de poule. Ainsi, Sian Thomas, qui interprétait le rôle de Sybil Thorndike au National Theatre, a joué cette scène à la Royal Society, lors de la soirée d’hommage à Tony Harrison (« Tony Harrison : A Celebration »), le 27 avril 2017. Il y eut ensuite un grand silence de sidération, partagé par le public, avant que Melvyn Bragg ne puisse reprendre le fils de l’animation.


[13]National Theatre Education Workpack, p.1 : https://www.nationaltheatre.org.uk/sites/default/files/fram_workpack.pdf


[14]Cf. https://en.wikipedia.org/wiki/Nansen%27s_Fram_expedition#/media/File:Fram_March_1894.jpg


[15]https://www.google.com/imgres?imgurl=http://t3.gstatic.com/images?q%3Dtbn:ANd9GcS6zKBbAPpS5yVCgkxMuibauB3hL6-9xb3aokVserVVYjSpiA6M&imgrefurl=https://books.google.com/books/about/Farthest_North.html?id%3D1yrMx18Q2WcC%26source%3Dkp_cover&h=936&w=626&tbnid=K2y3F9D9C4pGDM:&q=farthest+north&tbnh=160&tbnw=107&usg=AI4_-kQn_EPTEmfK9PCbtJB_ykTl6dRl3Q&vet=12ahUKEwisq9-rx9jdAhWxzoUKHYEgAdQQ_B0wDnoECAkQFA..i&docid=0tg5IiK88cQ5gM&itg=1&client=firefox-b&sa=X&ved=2ahUKEwisq9-rx9jdAhWxzoUKHYEgAdQQ_B0wDnoECAkQFA


[16]Harrison a représenté l’effet pétrifiant de la violence dans le film/poème The Gaze of the Gorgonqui s’appuie sur de nombreuses photographies d’archives en noir et blanc alternant avec des images contemporaines pour retracer l’histoire du 20èmesiècle.


[17]Equipé d’un gilet pare-balles en 1995, il se rendit même dans Sarajevo assiégée comme envoyé spécial pour le Guardiand’où il faxait des poèmes publiés le lendemain dans la rubrique des actualités (collectés dans Collected Poems 337-341).


[18]Cette photographie grand format occupe d’ailleurs une place de choix dans le bureau de sa maison de Newcastle, tout autant objet d’art que source d’inspiration.


[19]https://www.abebooks.co.uk/servlet/BookDetailsPL?bi=22587001661&searchurl=tn%3Dcold%2Bcoming%2Bgulf%2Bpoems%26sortby%3D20%26an%3Dtony%2Bharrison&cm_sp=snippet-_-srp1-_-title1#&gid=1&pid=1


[20]https://www.faber.co.uk/9780571227914-hecuba.html


[21]Les couvertures des œuvres de Tony Harrison mériteraient sans doute une étude particulière, tout comme le recours à la photographie de théâtre dans les publications des œuvres dramatiques d’un auteur qui refuse obstinément la captation vidéo de ses productions théâtrales


[22]« the poet’s obstinacy in wanting to blend two semiotic systems which are fundamentally heterogeneous » (Louvel 15).


[23]L’introduction à The Prince’s Play, adaptation de Le Roi s’Amusede Victor Hugo, s’intitule « Harrison, fanatic pillager », traduction de « Harrison, fanatique pillard » qui figure dans la « Préface » de Victor Hugo à Cromwell (1827).


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