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Dominique Massonnaud, Transactions photolittéraires dans les Œuvres romanesques croisées d’Aragon et Elsa Triolet

Résumé : Les Œuvres romanesques croisées, parues en quarante-deux volumes entre 1964 et 1974, sont un objet privilégié pour la saisie du jeu de transactions photolittéraires à l’œuvre dans une production de couple créateur. Le dispositif très concerté construit une figure auctoriale double ou duelle qui permet de reconfigurer les productions fictionnelles antérieures, les derniers romans conçus pendant le temps de production puis deux romans de romancier, en accueillant des images qui n’ont plus vocation illustrative. Les collaborations de Matisse, Giacometti, Chagall, Doisneau, Bruno Barbey ou Man Ray, permettent des jeux iconotextuels significatifs. Dans le contexte de leur parution ces Œuvres romanesques croisées paraissent moins mettre en œuvre l’écriture d’une aventure que l’aventure – adventurus – d’une lecture-vision, proposée au destinataire.
mots-clés : Louis Aragon, Elsa Triolet, roman, écriture de soi, pragmatique
Référence électronique : Dominique Massonnaud . « Transactions photolittéraires dans les Œuvres romanesques croisées d’Aragon et Elsa Triolet », Revue internationale de Photolittérature n°3 [En ligne], mis en ligne le 19 mars 2021, consulté le 25 avril 2024. URL : http://phlit.org/press/?articlerevue=transactions-photolitteraires-dans-les-oeuvres-romanesques-croisees-daragon-et-elsa-triolet
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Transactions photolittéraires dans les Œuvres romanesques croisées d’Aragon et Elsa Triolet



L’entreprise éditoriale que constituent les Œuvres romanesques croisées[1] d’Aragon et Elsa Triolet est un objet privilégié pour la saisie du jeu de transactions photolittéraires à l’œuvre dans une production de couple créateur. En ce cas, le couple d’écrivains vient affirmer son identité dans le champ social et littéraire en élaborant une « œuvre » massive –quarante-deux volumes – dominée par l’entrelacs de deux initiales, celle des prénoms, dessiné par Henri Matisse[2], présent au dos de chaque tome, comme sur les pages de garde qui le répètent en miroir[3], au fil des volumes, sur des fonds de couleur variée. Le roman – ou la somme romanesque – qui commence alors sous nos yeux « fait l’effet d’un arc-en-ciel dans la pampa » selon les mots d’Aragon dans un article qui avait été publié en mai 1937 dans la revue Europe[4].


De 1964 à 1974, l’entreprise éditoriale met en scène une figure auctoriale double ou duelle, dans un agencement globalement chronologique[5] qui permet de ressaisir les productions fictionnelles antérieures puis les derniers romans ; les ultimes volumes s’achèvent par les deux textes d’Elsa Triolet et d’Aragon qui avaient inauguré en 1969 la collection « Les Sentiers de la création » alors dirigée par Albert Skira : La Mise en mots et Je n’ai jamais appris à écrire ou les incipit, textes qui constituent ainsi des « romans de l’écrivain[6] ». L’alternance des volumes paraît placer côte à côte les productions de chaque signataire pourtant l’ensemble ne cesse de jouer aux croisements qu’indique le titre. Les deux instances auctoriales sont alors en dialogue : en particulier par le jeu de paratextes, ajoutés pour l’édition, qui précisent les conditions de production de chaque roman ou les parallèles et renvois de l’un à l’autre. Un titre très explicite annonce l’avant-texte de Théâtre/roman d’Aragon : « Au seuil de te parler » (ORC, t. XLI, 15). Ces paratextes figurent souvent comme des discours préfaciels datant des premières publications alors que leur présence pour un dispositif éditorial autre renouvelle les enjeux et les significations de romans qui sont parfois réécrits pour l’occasion. De plus, l’usage des images permet un déploiement signifiant des croisements qu’implique le titre de cette entreprise éditoriale : ainsi le « décentrement[7] » d’une des quinze photographies du masque de l’Inconnue de la Seine – faites par Man Ray à la demande d’Aragon pour la réédition d’Aurélien dans l’ensemble en 1966 – reprise dans Écoutez voir (1968) d’Elsa Triolet. La photographie est alors associée, au verso, à un portrait de Nancy Cunard fait par le même Man Ray en 1926 : dans les années de la liaison entre Aragon et Nancy. Le roman d’Elsa livre alors un « pilotis[8] » aragonien au personnage de Bérénice pris dans une histoire d’amour impossible. Ces ORC forment donc une œuvre autre, selon Roger Chartier : « Lorsqu’il est reçu dans des dispositifs de représentation très différents les uns des autres, le même texte n’est pas le même. Chacune de ces formes obéit à des conventions spécifiques en découpant l’œuvre selon ses lois propres et l’associent diversement à d’autres arts, d’autres genres et d’autres textes » (1990, 10).


La critique – à quelques exceptions près[9] – a réduit l’importance de ce geste éditorial en particulier en France, où l’on a, de plus, trop souvent fait d’Elsa la simple muse d’Aragon, en oubliant que si Elsa Triolet écrit pour la première fois un roman en français en 1938 – Bonsoir Thérèse – elle a été auparavant – et grâce aux encouragements de Gorki – l’auteur de trois romans en russe parus entre 1924 et 1928. Elle traduit en français le premier, A Tahiti pour le placer à l’ouverture des ORC. De plus, elle a été très proche du groupe des « formalistes russes » : de Maïakovski, d’Ossip Brik, de Chklovski ou de Jakobson. Ce dernier affirme ensuite en 1973 : « Les années soixante sont particulièrement riches en travaux de linguistique générale, mais parmi les livres de cette décennie qui donnent à penser sur les questions fondamentales du langage on devrait mentionner en premier lieu le roman d’Aragon Blanche ou l’oubli (Gallimard, 1967) et La Mise en motsd’Elsa Triolet (Skira, 1969) » (1973, 80). Un déséquilibre auctorial paraît ainsi présent, entre Aragon et Elsa Triolet, contre lequel les observations de Michel Lafon et Benoit Peeters ont pu mettre en garde les critiques et ceci, « faute de familiarité avec les ressorts de la créativité collaborative » (Donin et Ferrer, 2015). De fait, on peut se souvenir qu’Aragon, après avoir demandé à Man Ray la série photographique que l’on évoquait pour Aurélien, a indiqué dans le paratexte : « le roman même, c’est Man Ray qui l’a écrit » (ORC, XIX, 8). De plus, Man Ray – pseudonyme d’Emmanuel Radnitsky, « l’homme qui écrit avec la lumière » – avait suscité un des premiers textes parus du jeune Aragon : « A Man Ray nous devons tout » (1921, 1). Le vieil Aragon a multiplié les récits en images de soi élaborés avec des photographes : Aragon ou les métamorphoses de Jean-Louis Rabeux mais également Aragon. Un portrait, avec les photographies de Daniel Wallard ou un ultime ouvrage, paru de façon posthume sous le titre Aragon. Carnet de route, auquel il avait travaillé en octobre 1981 avec le poète iranien Hamid Fouladvind à partir de photographies de William Karel. Cependant, la place d’Elsa Triolet paraît tout aussi déterminante en matière de créativité photolittéraire. L’auteur d’Écoutez voir propose de repenser le rapport de l’image à l’écrit autrement que sur le mode de l’illustration : la traditionnelle ancilla artis, comme l’a montré Jean-Pierre Montier (2017). Dans un « Roman imagé » – selon la formule présente dans une section de La Mise en mots –« l’image […] vient en arrière-texte, elle vient en amplification, elle vient en point sur l’i, en réminiscences, en échos » permettant de dire plus, de « combler les abîmes entre les poches d’air » (ORC, XL, 325-326 & 323). De fait, les Œuvres romanesques croisées multiplient les paratextes qui précisent le choix des images propres à chaque roman : ces « images choisies […] formant un tout organique avec le roman sont là au même titre que les mots » (ORC, XL, 328). À l’ouverture de l’ensemble, le refus « de se plier aux traditions courantes » est affiché (ORC, I, 1964). Si l’ouverture de Luna Parkmentionne le réemploi de dessins de Trilby (1895) dus au romancier signataire du roman, George du Maurier (ORC, XXXI, 1968), Elsa Triolet livre, dès le premier tome, un de ses dessins : « ce n’est que pour se rapprocher de l’intimité du texte que j’y ai adjoint un dessin d’auteur qui en est contemporain » (ORC, I, 48). Elle entre ainsi dans la pratique de l’auto illustration[10]. Les premiers romans présents au tome I des ORC comportent ainsi des photographies de la romancière : enfant avec sa nourrice Stecha, un portrait fait par Rodtchenko en 1925, puis un autre, en couleurs, par Gisèle Freund en 1938. Une série de photographies d’intérieurs demandée à Robert Doisneau vient ensuite ponctuer Les Manigances. Une photographie due à « Elsa se photographiant dans l’armoire à glace d’une chambre d’hôtel à Hyères » figure au tome XXXIX.





(ORC, XXXIX, 288)


 


On voit que dans cette œuvre hybride à divers titres, la place d’Elsa Triolet est particulièrement plurielle et déterminante. Il s’agira ici d’étudier quelques effets de transactions photolittéraires afin de saisir ce qu’ils donnent à voir de la perspective d’ensemble proposée par le couple d’écrivains.


D’emblée, il semble que, dans l’ensemble des images choisies, la photographie permette d’inscrire la présence du temps des événements : ceux d’une actualité passée comme de toute une époque révolue. L’usage de clichés, souvent en noir et blanc et issus d’agences de presse, permet un ancrage dans le réel qui constitue le cadre des fictions. Des fragments de réel saisis grâce à quelques prises de vue ont, à première vue, très explicitement cette fonction documentaire pour Servitude et grandeur des français d’Aragon : un ensemble de proses fictionnelles courtes qui prend place au volume IV. Cependant, le lecteur peut opérer une lecture d’ordre sériel des images choisies, comme l’écrivait Aragon dans un article de 1942, ensuite repris dans Henri Matisse, roman : « l’essentiel est le caractère de séries des dessins que je regarde […] chaque dessin est une carambole à soi seul, mais qui reprend la situation laissée par le carambolage précédent » (1971, I, 75). Une narration photographique s’inscrit au fil des pages et accompagne la succession des récits de vies singulières, livrant son cadre mais aussi ses enjeux. La note liminaire indique :


L’auteur ayant ici essentiellement à illustrer des contes écrits pendant l’occupation, basés sur des faits réels, eût estimé de mauvais goût de donner visages et corps à ses récits. Il a décidé d’y figurer les occupants tels que la photographie les a saisis dans le cadre quotidien de notre pays, et de leur opposer celui-ci, sous l’aspect de la Zone Sud, une France au visage impassible et silencieux. Quel peintre mieux que Cézanne en pouvait donner l’image ! (ORC, IV, 60)


Aucune légende, aucune citation du texte n’accompagnent ces photographies, sinon le crédit qui est, la plupart du temps, celui de la Bibliothèque nationale. part archivistique qui inscrit la présence de l’histoire des hommes s’affirme alors. Mais ces images ont de plus une fonction différentielle, comme l’indique l’auteur et s’opposent aux reproductions de toiles de Cézanne. La part contrastive est sensible à plusieurs reprises : face aux paysages cézaniens des acteurs de l’occupation sont visibles, dans les rues, en défilé, au restaurant, en véhicules de l’armée d’occupation ; leur présence en pied ou leurs visages sont saisis. La mise en page rend explicite à deux reprises ce jeu d’opposition : à gauche une photographie, à droite une reproduction de tableau. À la fin de Servitude et grandeur des Français, deux toiles de Cézanne sont enfin face à face dans une double page et, pour la première fois, un village est présent dans l’image peinte. Un commentaire d’Aragon souligne alors l’effet visuel de l’ensemble : « Et que ceci se termine sur la haute figure d’un pays, à tous autres que ses fils, impénétrable, tel qu’en lui-même enfin l’avait fixé Paul Cézanne » (ORC, IV, 224). Les paysages provençaux ont ouvert les perspectives : figurant l’horizon d’attente, ils ont permis d’inscrire à la fois une durée longue – la pérennité d’une identité française qui contraste avec les traces de l’occupation – mais aussi la visée d’avenir qui était celle des combattants restés invisibles dont les proses ont livré les trajectoires singulières.


Un autre jeu entre texte, images peintes et photographies en noir et blanc, particulièrement significatif, figure au volume qui accueille la suite du roman d’Elsa Triolet : Le Rendez-vous des étrangers. Pour cette seconde partie du roman, la première image choisie est un visage de femme souffrante, associée à la citation « Marthe poussa un cri » : un détail du Massacre des innocents de Poussin comme on le découvre dans l’indication de la page suivante Ensuite un portrait venu de l’Égypte du IIIe siècle, est accompagné d’une autre phrase du roman : « Serge… son visage hâlé sur les coussins verts et jaunes, c’était déjà un portrait tout fait » (ORC, XXVIII, 25-49). Le détail d’un portrait de Vierge du Gréco est également présent ainsi qu’un collage de textes en hébreu dû à Hoffmeister ; un autre portrait s’inscrit dans une histoire patrimoniale comme les détails des tableaux précédents : un daguerréotype du poète polonais Adam Michiewicz, pris en 1842. La légende précise qu’« il a eu droit à toutes les misères qui frappent un émigré et un poète » (ORC, XXVIII, 97). Une série de photographies en noir en blanc, dues à Bruno Barbey[11], vient en contrepoint dans le volume. Des portraits de près créent ainsi un effet de présence contemporaine, portraits d’inconnus, anonymes et identifiés par les citations choisies qui les accompagnent : « un mineur polonais » ou un enfant que la légende identifie comme un « apatride », des « Algériens […] des hommes seuls » ou « un petit Italien, presque un enfant […] le regard noir verni de larmes ».





(ORC, XXVIII, 251) Bruno Barbey


 


La première de la série avait inscrit la présence d’un espace : les terrils du Nord de la France (ORC, XXVIII, 81). Une autre photographie en noir et blanc est présente et relève d’une valorisation des sujets par l’art : cette représentation d’une fresque de Ninive avec d’anonymes assyro-chaldéens gravés dans la pierre se fait alors explicitement l’emblème d’une population déportée. Le choix de ces photographies permet d’inscrire discrètement un fil qui relie des instantanés de la peinture – pris comme tels grâce au recadrage choisi – et des instantanés photographiques tissant un rapport entre passé et présent. Il s’agit de créer, grâce à l’agencement, une forte valorisation de ceux qui sont les émigrés, les étrangers du présent. Ce trajet de lecture fait que les images permettent de tenir un discours qui fait sens, au moment de la parution du volume en 1967 mais aussi aujourd’hui, comme dans la longue durée. Ainsi que l’indiquait Jérôme Meizoz à propos du portrait d’écrivain, il semble donc que : « la photographie apporte une nouveauté décisive pour la constitution d’une imagerie constituée cumulativement » (2014).


La photographie telle qu’elle est utilisée dans ces agencements éditoriaux n’inscrit donc pas un rapport au temps qui serait de l’ordre d’un réalisme mimétique – entendu au sens platonicien comme copie du réel, qui inscrirait l’enregistrement tout mécanique de références visuelles à une actualité contemporaine de l’intrigue. Comme on a pu le penser pour la peinture, la photographie « simulacre » serait ainsi « enfermée dans sa fonction référentielle » et « nécessairement marquée d’un signe privatif » (Lichtenstein, 1999, 52). Bernard Leuilliot, à propos de la réécriture du roman Les Communistes pour les ORC, précise qu’elle en fait une chronique au plus près des événements historiques narrés mais comporte aussi des « analogies suggérées entre les époques qui portent atteinte au principe de succession. « La représentation qui en résulte est un temps qui serait, comme le temps des mythes ou du rêve, égal en chacune de ses parties […] irréductible à la seule chronologie » (OR, III, 1449). On voit donc qu’« une part essentielle de l’apport photographique à la production littéraire [se noue] autour de la représentation ou de la ‘mise en configuration’ (Paul Ricoeur, 1983) de l’expérience du temps humain » (Montier, 2015, 39). Ici, la dimension archivistique des images convoquées ne relève pas d’une simple consignation d’ordre mémoriel qui préserverait un passé mais fait entrer dans une dynamique où les images se chargent d’une effective violence archivale telle que Derrida a pu la mettre en évidence (1995).


La présence de photographies valant comme trace d’un temps révolu paraît cependant affichée pour le choix fait par Elsa Triolet à l’ouverture d’Anne-Marie, avec le roman Personne ne m’aime, puisque la page de garde annonce « Illustrations en couleurs d’Alexandre Tyschler[12] et documents d’époque ». Ces « documents » sont alors des photographies en noir et blanc qui figurent en alternance avec les dessins en couleur de combattants du passé : des acteurs et d’actrices de combats singuliers. La série photographique et la série picturale présentent un caractère d’homogénéité thématique. Pourtant, l’observation du dispositif et des photographies elles-mêmes vient rendre leur usage plus complexe : prises en plans rapprochés, elles individualisent les figures présentes, rapportées à l’histoire de la guerre d’Espagne par les mots qui les accompagnent. « Des réfugiés de la guerre d’Espagne passaient la frontière… janvier 1939 » pour un portrait d’homme, une fillette sur les épaules. Pour une silhouette en pied, saisie en mouvement, de dos et présente de façon floue, sans identification possible d’un vêtement, d’une arme ou d’un contexte militaire, la légende indique : « L’Espagne… La Guerre… » et mentionne le nom du photographe : « Robert Kapa. Magnum ». Au terme du roman, une vue aérienne de Paris en août 1944, créditée à l’Agence Roger Viollet, paraît remplir le contrat documentaire initial. Cependant, les sujets singuliers, les individualités présentes – en dessin comme en photographie – s’effacent au profit de l’image finale : un déferlement du flot humain sur une avenue parisienne. Plus encore, deux autres photographies ont installé un jeu d’entrelacs entre l’univers fictionnel et le monde réel : une photo d’André Gamet, présentant de près les visages de deux hommes derrière un fusil-mitrailleur, est assortie de la citation du roman « Les gars de Raoul étaient splendides ». La vue d’un homme blessé allongé sur une charrette par deux femmes et un soldat comporte la citation du roman « C’était Pierrot qu’ils portaient » avec la mention « Collection particulière ». On voit que la singularité des combattants mis en scène dans la fiction entre en relation avec les sujets photographiés mais aussi avec les acteurs que furent, dans l’histoire, les photographes : Robert Capa, en Espagne et lors du débarquement, Hélène Roger-Viollet, fondatrice de l’Agence photographique en 1938 qui a, elle aussi, couvert la guerre d’Espagne ; André Gamet, reporter-photographe de la seconde guerre mondiale, présent avec Elsa Triolet et Louis Aragon dans les maquis de la Drôme. Elsa Triolet joue à plusieurs reprises de ce type de transaction photolittéraire qui fait d’une photographie, exhibée comme « document d’époque » l’image improbable d’un personnage, convoquant le lecteur de roman lorsqu’il se fait spectateur de l’image. Il s’agit de briser – ou de jouer avec – la logique référentielle[13] pour privilégier une logique fictionnelle, mais aussi de mettre en relation la construction de l’image et la construction du roman.


De même, Le Cheval blanc au volume XVII, présente des photographies où le référent reste dans l’anonymat, alors que lui est attribué par une citation en légende, le nom d’un personnage : « la mère de Michel Vigaud » pour une photographie de L’Illustration datée de 1908 (ORC, XVII, 39). Une photo de Roger Viollet en 1925-26 se donne pour le portrait d’Irène « grande fille follement élégante avec les cheveux oxygénés » (ORC, XVII, 205) ; le visage sculpté d’un banquier de Pompéi venu du Musée de Naples comporte comme légende un nom propre : « Stanislas Bielenski ». Les pages suivantes livreront les circonstances de la rencontre du personnage principal avec ce collectionneur fictif dont on retrouve alors le nom. Une photographie de groupe représentant des combattants, sans attribution de fonds, comporte une légende sur le mode de l’adresse au lecteur : « Ne cherchez pas Michel sur cette photo, c’est lui qui l’a prise dans la cour de la caserne » (ORC, t. XVII, 141). Une note de l’Avant-dire ajouté par Aragon aux Voyageurs de l’Impériale permet de comprendre ces choix, ils permettent de saisir :


Le jeu sérieux […] pour mesurer la marge qui existe entre le réel et l’inventé. Le travail du romancier gomme pour ainsi dire cette marge, afin de ne laisser qu’une image détachée de lui ou de ses modèles, de ses pilotis. Une image neuve, un trait précis. Or il m’est arrivé, réfléchissant sur cette technique de prendre goût aux mauvaises épreuves de la photographie, celles où l’on voit à la fois les pilotis et les personnages, où parce que le cliché a bougé […] la réalité donne à l’être décrit des allures de fantôme (ORC, XV, 18-19).


La photographie se fait ainsi signe iconique de fantômes, personnels ou non, qui peuvent hanter les personnages, faire d’eux des fantasmes ou des réapparitions : de là viendrait cette « allure rêvée » alors placée au cœur de la poétique « réaliste » du roman. Les avant-dires auctoriaux ou certaines légendes ajoutées aux photographies accompagnent le lecteur et l’invitent à cette lecture rêveuse ou associative qui le convoque dans le dispositif mis en place. Elsa Triolet comme Aragon se font ainsi des iconographes tout autant que des romanciers, ou des romanciers parce que iconographes, dans une entreprise éditoriale croisée qui s’inscrit très précisément dans la période de parution.


Les Œuvres romanesques croisées, paraissent quand se développe le mouvement de la Figuration narrative dans le domaine des arts plastiques (Vouilloux, 2013) et quand Jakobson pense la notion de « traduction intersémiotique » ou « transmutation » (1963, 79). Dans le champ littéraire, les Nouveaux Romanciers ont eu des rapports étroits et déterminants avec des matériaux photographiques, en particulier pour ce qui relève de la restitution ou la construction, fictive ou non, des données et des phénomènes mémoriels (Ortel, 1994). De plus, les parutions qui jouent avec les genres et les formes de l’écriture de soi se sont développées avec des textes à parution échelonnée comme ceux de Simone de Beauvoir : Mémoires d’une jeune fille rangée (1958), La Force de l’âge (1960), La Force des choses en 1963. Cette année-là paraissent Les Motsde Sartre en prépublication dans les numéros d’octobre et novembre des Temps modernes, ou Self Portrait de Man Ray, traduit en français l’année suivante. Aragon a émis des réserves face à la mode des autobiographies. En février 1964, un article des Lettres françaises, « Les Clefs » indique qu’un discours sur soi ne peut être présent que dans « la marge » de la fiction : « Moi, si je me racontais, je ne parlerais que de ce qui m’a fait rêver. Voilà bien, peut-être, qui explique chez moi, que l’emporte le vent de l’imagination sur celui du strip-tease, la volonté de roman sur le goût de se raconter[14] ».


À cet égard les jeux iconotextuels dans l’édition d’Aurélien pour les ORC sont particulièrement significatifs. On a évoqué la demande faite par Aragon à Man Ray pour une série de rayogrammes, à partir du masque de l’Inconnue de la Seine. La « Note sur l’illustration » qui ouvre le premier volume – avant même l’avant-dire ajouté pour l’édition – inscrit l’unité des images choisies pour les deux tomes, sous l’égide de la Seine : « Comme le roman ces deux livres sont traversés par la Seine » (ORC, XIX, 8). Marquet et Man Ray paraissent d’emblée réunis sous la figure du fleuve, porteur du flux des saisons comme du temps des hommes. Si l’attention est attirée par la mention : « le roman même c’est Man Ray qui l’a écrit », on observe que, dans la suite de ce texte, ses images du masque en noir et blanc sont liées à l’idée « d’une femme vivante » et le fait qu’ainsi « s’illustre l’histoire d’un amour ». Les vues de la Seine peintes par Marquet, le sont à chaque saison et sous des angles variés, comme l’indique cette note liminaire. Un élément d’ordre biographique peut apparaître : à Paris, Nancy Cunard vit dans un appartement de l’île Saint-Louis avec vue sur la Seine au temps de sa rencontre avec Aragon. Pourtant, c’est Aurélien que le roman situe dans cet espace. La préface ajoutée pour le texte des ORC vient préciser la vanité ou la vacuité de lectures qui feraient d’une fiction un « roman à clefs » : les rencontres et éléments réels sont bien ce « à partir de » quoi l’écrivain écrit, « mais seulement à partir » (ORC, XIX, 14). La note sur l’illustration initiale vient souligner un double jeu d’échos entre texte et image, comme entre données biographiques et fiction : « Afin de démentir le système, nous admettrons quatre silhouettes d’Albert Marquet, décidant de voir en elles des personnages épisodiques d’Aurélien et un coin de Paris ». Les dessins de Marquet sont alors en noir et blanc – comme le sont les photographies – et assortis de citations du texte qui en font des vues de personnages. Une photographie de Man Ray place le masque dans une perspective de reflets de bâtiments sur l’eau. Un renversement s’opère dans le choix aragonien de donner aux productions de Marquet une fonction qui pourrait d’emblée être dévolue à la photographie : inscrire une « confusion entre le temps chronologique des scènes à distinguer et le temps météorologique qui permet de voir grâce à la lumière [changeante] et se présentant comme une sorte de diaporama d’instantanés successifs » (Montier, Roussel : hier, aujourd’hui, 2014).



La peinture ou le dessin prennent une fonction qui pourrait être assignée au médium photographique, pendant que les rayogrammes de Man Ray effacent tout référent nommable en exhibant seulement les vues d’un masque, moulé sur le visage d’une morte non identifiée : cette « inconnue de la Seine » qui fait écho à une « noyée de la Tamise » anonyme et simplement mentionnée dans le roman. Les jeux photolittéraires à l’œuvre semblent avoir défait et emporté dans leur flux de nombreux éléments référentiels liés à Nancy : celle qui avait été modèle pour plusieurs peintres était devenue plus particulièrement un sujet pour les photographes pendant la liaison avec Aragon : pour Man Ray[15] mais aussi Curtis Moffat, qui travaille alors avec lui, pour un proche de Nancy depuis l’époque londonienne : John Banting[16] et plus tard, Barbara Ker-Seymer ou Cecil Beaton. Le personnage de la provinciale Bérénice, épouse de pharmacien, pose pour le peintre Zamora dans l’intrigue du roman. Des peintres, comme Oskar Kokoschka[17] , avaient fait des portraits de Nancy ; elle a aussi été, en 1925, le sujet d’une sculpture de Brancusi pour laquelle elle n’avait pas posé mais a constitué un modèle « en mouvement » selon son auteur[18]. Grâce au jeu de photographies mises recto verso dans le roman d’Elsa Triolet, le croisement des romans peut donc effectivement donner accès à un pilotis d’ordre autobiographique : Nancy sous le masque de l’Inconnue de la Seine. Pourtant, Bérénice n’est pas Nancy. Le personnage porte un prénom emprunté au titre d’un poème du jeune Samuel Beckett[19] lié aux surréalistes et il est chargé de références intertextuelles explicites – Racine – ou implicites : Emma Bovary, par exemple (Massonnaud, 2003). Le dispositif crée une multiplicité d’échos, dans un étoilement de jeux qui permettent qu’un monde réel se donne à voir et à lire. Pour autant, il n’est pas question de déplacer la question de l’entreprise autobiographique vers celle du genre des mémoires pour comprendre les enjeux de l’ensemble. Certes, les personnes que furent Louis Aragon et Elsa Triolet ont été témoins et acteurs directs ou indirects dans – et de – l’histoire et les paratextes, comme les nombreux artistes sollicités pour cette œuvre hybride donnent une image d’époque. Cependant, ce que mettent en place les ORC paraît d’un autre ordre.


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Pour achever ce parcours, l’observation du volume paru en novembre 1964 peut être éclairante ; il accueille des proses fictionnelles courtes d’Aragon, datées pour la première, « entre 1923 et 1926 » et pour les dernières de 1964 – dont Le Mentir-vrai qui clôt le tome ; elles sont précédées d’un avant-texte « Les Contes de quarante années ». Ce discours auctorial traite de la présence du premier conte, Le Cahier noir, « débris d’un monstre[20] » (ORC, IV, 14) et, comme dans l’ensemble des paratextes présents, il affirme la présence de biographèmes pour aussitôt les mettre à distance : « J’ai fini par croire que l’histoire contée ici à la première personne est la mienne, elle l’est devenue. Je sais même qui est la femme qui apparaît, la même peut-être qu’on retrouvera dans Aurélien, bien plus tard. Pourtant, tout le détail est imaginaire ». Le jeu des clefs à trouver dans les fictions est ici encore convoqué pour être aussitôt évacué. Une note livre très précisément, à propos de la réception du texte, la nature de l’écart : « Une fois de plus on n’a pas manqué d’y prendre le narrateur pour l’auteur ». Le texte préfaciel accueille ensuite une photographie légendée « Elsa Triolet et Aragon au temps de Mille regrets(Villeneuve-lès-Avignon, 1941) » et, au seuil de la première fiction, le discours placé en frontispice du Cahier, s’attache aux images choisies pour le volume : « Le portrait de l’auteur par Man Ray en 1926 » l’année du début de la liaison avec Nancy donc, sur le plan biographique. L’évacuation de cette association référentielle a lieu aussitôt : « Il me montre tel que tu m’as vu, Elsa, pour la première fois, lors du banquet Saint Pol Roux à la Closerie des lilas ». Le dialogue entre les instances auctoriales permet donc de livrer d’autres possibles biographiques et/ou de réinstaller, dans l’énoncé adressé, l’affirmation du couple de romanciers, instance duelle signataire des ORC. L’événement mentionné ici n’a pas eu lieu en 1926 comme indiqué mais le 2 juillet 1925, en présence de Breton et des surréalistes : un discours de Jean Royère avait célébré le poète. Cette apparente erreur mémorielle est à ressaisir au vu de la suite du texte : « Le garçon de dix ans qu’on voit dans Le Mentir-vrai est-ce bien Pierre ou moi-même, il importe peu : nous nous ressemblions en 1908 ». L’intrigue va accroître ce jeu de flou référentiel et identitaire à partir des noms et des prénoms. On lit : « D’ailleurs je ne m’appelais pas Pierre c’était l’abbé Pangaud (et non Prangaud) qui m’appelait Pierre et pas Jacques[21]  » (IV, p. 267) Dans la même page, des commentaires mettent le récit à distance et ajoutent un flou mémoriel : « Quand je crois me regarder, je m’imagine […] ces bouts de mémoire mis ensemble ça ne fait pas une photographie mais un carnaval[22] ». Les modifications des romans antérieurs pour publication dans les ORC jouent à plusieurs reprises de ce flou identitaire où le « désignateur rigide » – selon la définition du nom propre par Kripke (1982) – ne fonctionne plus[23] ; les romans écrits par Aragon ensuite, pendant la période de production des ORC, sont marqués par la question de la figuration variée ou variable du sujet, le motif du miroir, des intrusions auctoriales ou des dédoublements, comme celui de la figure de l’écrivain dans Théâtre/Roman. Le jeu est explicitement mis en place, à propos de l’autoportrait, dans l’après-dire ajouté à La Mise à mortau tome XXXIV : « Le Mérou ». Le geste auctorial à l’œuvre dans les ORC exhibe donc ce qu’analysera ensuite, très précisément, Ricoeur, avec une formule qui fait écho à Rimbaud, dans Soi-même comme un autre :


La compréhension de soi est une interprétation ; l’interprétation de soi à son tour trouve dans le récit, parmi d’autres signes et symboles, une médiation privilégiée ; cette dernière emprunte à l’histoire autant qu’à la fiction, faisant de l’histoire d’une vie une histoire fictive, ou si l’on préfère, une fiction historique, entrecroisant le style historiographique des biographies au style romanesque des autobiographies imaginaires (Ricoeur, 1990, 128).


Il ne s’agit donc pas de pointer des failles de la mémoire ou des inexactitudes référentielles dans les ORC mais d’entendre très précisément ce qu’indique la formule : le « mentir-vrai » ; conformément à ce que la pragmatique a mis en évidence dans la période de cette publication. L’instance auctoriale affirme et fonde ainsi le lien des signataires en les mettant en scène : « dire c’est faire », comme l’écrivait Austin[24]. Le duo des romanciers nait du dispositif qui en fait un couple : Elsa et Louis sont aussi les signataires des ORC par ce monogramme, fait par Matisse, qui entrelace leurs initiales.



Oserait-on dire ici que les sons disent E /« eux » et L/« elle », le moi n’existant peut-être que dans l’entre-deux. L’auteur, duel ou double, est ici exhibé comme une instance communicationnelle, et l’on se souvient que cette période voit la parution des articles de Barthes – « La Mort de l’auteur » où on lit : « la voix perd son origine, l’auteur rentre dans sa propre mort, l’écriture commence » (1968, 61) – et, peut-être surtout, de Michel Foucault avec « Qu’est-ce que l’auteur ? » en 1969. Il précise : « l’auteur n’est pas une source indéfinie de significations qui viendraient combler l’œuvre, l’auteur ne précède pas les œuvres » ajoutant « le nom d’auteur n’est pas situé dans l’état-civil des hommes[25] » (2001, 826) et Foucault définit ainsi, dans le dispositif textuel – ou artistique – et le champ social, une « fonction-auteur » à partir d’« instaurations discursives » (2001, 837).


On a indiqué en commençant la connaissance précoce et suivie de la linguistique – et de ses évolutions – par Elsa, comme par Aragon[26]. Ajoutons, par exemple, qu’un numéro des Lettres françaises, revue dirigée par Aragon, accueille en 1968 un entretien avec Benveniste repris ensuite à l’ouverture du second volume des Problèmes de linguistique générale(1974, 11-40). Il semble que les ORC mettent en place ce dont Benveniste fait la structure même du dialogue : le « cadre figuratif de l’énonciation » (1974, 85). Le passé tel qu’il est énoncé devient cette image partagée, construite par le dispositif photolittéraire et donnée comme telle au lecteur. Les ORC paraissent ainsi moins l’écriture d’une aventure que l’aventure – adventurus – d’une lecture, proposée au destinataire. Le couple met en évidence ce geste de production en jouant avec ce que Bourdieu a précisément défini comme l’« illusion biographique » :


La distinction entre l’individu concret et l’individu construit, l’agent efficient, se double de la distinction entre l’agent, efficient dans un champ, et la personnalité, comme individualité biologique socialement instituée par la nomination et porteuse de propriétés et de pouvoirs qui lui assurent (en certains cas) une surface sociale, c’est-à-dire la capacité d’exister comme agent en différents champs. (1978, 72)


Ainsi l’ensemble se clôt de façon tout à fait cohérente par les deux ouvrages imagés, construits pour la collection d’Albert Skira, qui livrent « les sentiers de création », ce qui façonne la « posture » du romancier, pour utiliser la catégorie pensée par Jérôme Meizoz. Elsa Triolet y indique dans un texte manuscrit que « le romancier [est] organisateur du spectacle où il joue tous les rôles, porte tous les masques, se fait ventriloque, où il est souffleur, bonimenteur, chef d’orchestre, homme-orchestre, où il invente les décors, règle les éclairages… [27]» (ORC, XL, 240). Aragon fait écho à ce propos : « les acteurs de ce que j’appelle parfois la comédie d’Elsa sont multiples » (ORC, XXXIX, VII[28]). La métaphore dramaturgique est également mobilisée par Meizoz : « la notion latine de persona désignant le masque, au théâtre, […] institue tout à la fois une voix et son contexte d’intelligibilité. Sur la scène d’énonciation de la littérature, l’auteur ne peut se présenter et s’exprimer que muni de sa persona, sa posture » (2007, 19). On se souvient du titre du dernier roman d’Aragon : Théâtre/Roman mais aussi des apparitions télévisuelles du vieil Aragon porteur d’un masque blanc inexpressif dans le film documentaire tourné par Raoul Sangla pour l’ORTF en 1978. Ensuite, filmé en promenade avec Jean Ristat, il porte un masque rouge. Après la mort d’Elsa, d’autres mises en scène auctoriales d’Aragon ont eu lieu : avec les trois livres conçus avec des photographes précédemment évoqués ou l’Œuvre poétique élaboré avec Jean Ristat qui comporte des photographies de Jean-Louis Rabeux, donnant à voir une silhouette, projection lumineuse de l’ombre du poète qui hante l’ensemble.


À terme, il apparait donc que le couple auctorial des œuvres romanesques croisées a produit ce travail qui le donne à voir et permet de saisir « que nous sommes différence, que notre raison c’est la différence des discours, notre moi la différence des masques » comme l’écrivait Michel Foucault (1969, 172).


 


Dominique Masonnaud, Université Haute-Alsace (France)


 


Bibliographie :


 



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[1] À présent abrégées en ORC dans l’article. Je remercie Jean Ristat pour l’autorisation de publication des clichés saisis au fil des volumes.


[2] Spécialement fait pour un ex-libris des auteurs, comme l’indique la « Justification du tirage » qui ouvre chaque volume.


[3] Comme l’indique la « Justification du tirage », le dessin des gardes est « reproduit avec son empreinte sur un buvard ».


[4] Aragon, « Un roman commence sous vos yeux », Europe, n°173, mai 1937. Repris au tome IV des Œuvres romanesques croisées (1964) puis dans Le Mentir vrai, Paris, Gallimard, « Blanche », 1980. Il figure dans l’édition des œuvres romanesques pour la « Bibliothèque de la Pléiade », que l’on abrègera en OR : t. II, 483-486, 485 pour la citation.


[5] Les Manigances. Journal d’une égoïste (1962) est cependant placé par Elsa Triolet au tome I des ORC. Ensuite, deux romans parus avant la rencontre avec Aragon ne devaient pas initialement figurer dans l’ensemble : Fraise des bois (1926) et Camouflage (1928) mais ils sont traduits du russe par Léon Robel et placés au tome XXXIX, après la mort d’Elsa en juin 1970.


[6] Titre d’une conférence à venir : D. Massonnaud, « La Mise en mots. Un roman de l’écrivain », Elsa Triolet. Cinquante ans après, Louise Guillemot (dir.), ENS Paris. (Prévue le 23 mars 2020 et reportée suite au confinement).


[7] Voir Jean-Pierre Montier, 2008.


[8] Selon le mot de Stendhal pour les éléments empruntés au réel pour la construction des personnages, repris par Aragon : en 1954 dans l’article sur Lucien Leuwen, repris dans Lumière de Stendhal (1954) puis en 1959 dans J’abats mon jeu. De fait, Nancy Cunard, installée à Paris, a habité à partir de 1922 un studio au 2 quai d’Orléans, puis un appartement plus grand 1, rue Le Regrattier. Elle en confie l’aménagement à Jean-Michel Frank qui avait déjà assuré la décoration de l’appartement de Drieu La Rochelle. Ces lieux de l’île Saint-Louis où elle a reçu des jeunes gens du groupe dada et les surréalistes – en particulier René Crevel puis Aragon – sont un autre pilotis biographique présent dans le roman Aurélien.


[9] Voir en bibliographie.


[10] Comme le fait Aragon, avec des images de manuscrits qui comportent un dessin donné comme « un portrait d’André Gide » ou « une sorte d’autoportrait de l’auteur » (ORC, II, 29 & 33).


[11] Bruno Barbey, né en 1941 au Maroc et choisi par Elsa Triolet pour ce tome – paru en 1967 – a commencé à travailler à l’Agence Magnum l’année précédente ; il en devient membre en 1968. Photographe voyageur qui a travaillé sur de nombreux pays, il a ensuite collaboré avec Tahar Ben Jelloun et Le Clézio. En 2016, il a été élu membre de l’Académie des beaux-arts de l’Institut de France, en même temps que Sebastião Salgado et Jean Gaumy.


[12] Peintre et dessinateur russe, il a appartenu à l’avant-garde russe avec la « Société des artistes de chevalet (OST), fondée officiellement en 1925 et dissoute, comme toutes les associations artistiques, en 1932, [qui] fait figure de collectif majeur, même si elle est demeurée relativement inconnue en France », comme l’indique Cécile Pichon-Bonin (2013, 9).


[13] De façon très manifeste on trouve, par exemple, dans le premier volume du Rendez-vous des étrangers une photographie, où le sujet est reconnaissable pour le lecteur : Greta Garbo. Mais la légende associée en fait un personnage du roman : « Olga… chacune de ses attitudes… » (t. XXVII, 170-171).


[14] Repris dans l’anthologie de textes aragoniens qui figure dans Piégay, 1997, 248-254, 249 pour la citation.


[15]  On peut se souvenir que Nancy Cunard a écrit un article pour Vogue sur l’exposition parisienne à la galerie surréaliste : Tableaux de Man Ray et objets des îles comme le rappelle Sarah Frioux-Salgas, 2014.


[16] Il connait Nancy depuis Londres et le cercle de Bloomsbury, l’accompagne dans ses reportages pendant la Guerre d’Espagne, d’octobre à décembre 1937 et collabore ensuite à la Negro anthology. On peut spécifier qu’il a composé des montages photographiques de Nancy : une série simultanée de visages où elle devient un modèle pluriel sur la même image, comme l’avait aussi fait Man Ray et comme le fera Cecil Beaton.


[17] En 1924 pour ce dernier. Portrait de Nancy Cunard. 1924, Hanovre, Sprengel Museum.


[18] Comme l’indique Sarah Frioux-Salgas, 2014.


[19] Qui fut certes mis en chanson par Harry Crowder, le nouvel amant de Nancy pour qui elle a quitté Aragon comme l’indiquait Yannick Seité lors de sa conférence, « Aragon, un fervent du jazz-band », Fondation Martin Bodmer, Genève, le 24 janvier 2018. En ligne : http ://www.youtube.com/watch?v=1CVY9U8Gsgc


[20] La Défense de l’infini, demeuré inachevé. Sur ces romans inachevés on peut voir D. Massonnaud, 2018.


[21] Et quelques pages plus loin : « M. l’abbé Prangaud il m’appelle Jacques » (t. IV, p. 270)


[22] Le propos peut faire écho au travail de Claude Cahun qui date de 1926 : Carnaval en chambre, comme le rapport d’Aragon à la stabilité identitaire et au jeu des masques. Voir : François Leperlier, 2006.


[23] Pour exemple : « Je ne sais qui est le héros de ce roman : Mercadier ou Meyer, il faut dire Pierre ou Georges… Pour ma part, et à cet instant du moins, je pencherais pour Georges », Aragon, Les Voyageurs de l’impériale [version de 1965], OR, t. II, 2000, 873.


[24] How to do things with words, titre d’une série de conférences prononcées en 1955 à Harvard a paru en 1962 aux USA, puis en France.


[25] On se souvient qu’Elsa Triolet est un nom d’auteur : Ella Kagan, divorcée d’André Triolet en 1921 ; a épousé Louis Aragon en 1939. Ce dernier, enfant illégitime, porte un nom propre inventé par un père dont il refuse le prénom identique au sien : Louis Andrieux.


[26] Un ouvrage collectif a développé certains de ces aspects : Aragon romancier. Genèse, modèles, réemplois, D. Massonnaud, J. Piat (dir.). Paris : Garnier, 2016.


[27] On peut entendre ici un écho de la formule d’Olivier Barbarant, à propos de la poésie d’Aragon, livrant « l’opéra de la personne » (1997,175 sq).


[28] Numéroté ainsi pour l’Avant-dire d’Aragon aux textes d’Elsa, réunis de façon posthume, dans ce volume.


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